exposition collective / passée

Le cycle du rien #1 : caillou , sur une proposition de Alexandre Mare et David des Moutis

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Soyons clair : le rien est un abus de langage. Etymologiquement il désigne tout le contraire du sens qu’on lui donne aujourd’hui. Et, de fait il semble intéressant de s’interroger sur l’instabilité de sa définition. Instabilité que tout un chacun est capable de définir, ou non, lorsqu’on lui demande ce que peut-être rien. Elle n’est ni une impasse, ni une impossibilité. Au contraire, elle est une invitation à projeter. Caillou, brindille, nuage, cendre, c’est l’informe, le laissé-pour-compte, l’insaisissable, ce peu de chose que l’on appelle rien, qui nous interpelle et qui seront les différents opus de ce cycle. Comment un artiste peut-il prendre en compte ce rien, choisir, ou pas, de le sublimer, et d’en donner une définition ? A travers quatre expositions nous souhaiterions pouvoir tirer quelques enseignements, quelques images tenaces et d’autres métaphysiques, peut-être – par ses vides, ses pleins, Le cycle du rien est une expérimentation. Il tentera de définir cette chose-là que l’on écarte parce qu’elle apparaît le plus souvent comme être d’aucune utilité. Pourtant, il nous semble que le rien est bien un support possible à quelques projections. Qu’il est un Étant possible.

Pour ce premier opus, ce qui nous intéresse dans le caillou, c’est qu’il est une matière basse, extraite des sols tempétueux. Un déchet, d’apparence inutile qui lorsqu’il devient utile, lorsque l’on s’en empare,  prend une autre dimension, rentre dans une nomenclature, devient un support — passant, serions nous tentés de dire, du déchet à l’état précieux. Ainsi fait, il devient signifié, Il n’est alors plus ce je-ne-sais-quoi. Il est donc curieux que sa non-valeur intrinsèque pousse la plupart de ceux qui s’en emparent à vouloir le faire entrer dans une définition plus noble. Lorsque le formalisme cherche à supplanter l’informe. Dans tous les cas, il nous a semblé intéressant d’interroger le caillou, et ses définitions, tant nous n’arrivions par à cerner avec exactitude ce qu’il peut être. Pour ce faire, nous avons demandé à sept artistes, venant d’horizons différents, de nous offrir une réponse sur ce que peut être le caillou en tentant de ne pas lui donner un autre statut que celui auquel il appartient, pour eux.
La sélection des artistes nous est apparue évidente. Tous, ont un rapport agissant à la matière, et tous ont utilisé le caillou dans leur travail. A chacun nous avons demandé une œuvre ou une série d’œuvres originales, créées pour l’occasion.

Hubert Duprat, sculpteur, travaille sur le trouble entre le naturel et l’artefact, imposant ainsi un rapport oblique à la nature de l’objet. Hécatombe, l’œuvre présentée ici en témoigne. Samuel Aligand, lui aussi sculpteur, réalise des pièces tout autant minérales que polymériques qui semblent à l’inverse de celle de Duprat. De fait, elles y répondent car ces Récifs se jouent de la soi-disant distance entre artificlia et naturalia. Cécile Beau offre encore une autre réponse qui serait comme un point de contact entre ces deux premiers artistes. Dans Still alive le caillou est utilisé pour ce qu’il est, brut et sans artifice, mais placé hors de son environnement et dès lors perverti il est le témoignage d’une matière en déplacement et donc d’une anomalie en progression. Mélanie Delattre-Vogt emprunte, ci et là, des formes minérales pour composer des dessins complexes où surgissent des situations, des personnages ou autres chimères pareils à quelques blancs cailloux sur le chemin de rêves épuisés. Pour cet opus, c’est la légende de Saint-Etienne, qui a servi de point de départ à la série Cailloux. Margaret Dearing interroge le lien entre nature et urbanisme où les échelles troubles laissent deviner une faille. Ses photographies ­— comme ici dans Dust — de roches, de matières d’apparence muette et contemplative qui les font osciller entre menace et apaisement. Marie-Ange Guilleminot, comme en témoigne La Maison de thé, est intéressée par la culture japonaise. Elle accorde, dans son œuvre, une attention particulière au geste, à la tradition, à la transmission. Enfin, Armelle de Sainte-Marie a peint des paysages tout autant minéraux qu’organiques. Dans ces Vanités hybrides le caillou est hors proportions, tout autant monstrueux que délicat, devenant le support, agrandi, à toutes les projections – pareil au caillou que nous ramassons et dans lequel l’on reconnaît le visage, l’animal, le lieu des possibles.

On comprendra alors que peu importe le médium, peu importe la nature des propositions, il est nécessaire que la nomenclature soit la plus étendue possible car il nous apparaît que c'est par la diversité et la confrontation que peut sugir une définition. Peut-être dès lors cernerons nous mieux ce rien caillou. Ou non.

Alexandre Mare

œuvres exposées / samuel aligand

œuvres exposées / cécile beau

œuvres exposées / margaret dearing

œuvres exposées / mélanie delattre-vogt

œuvres exposées / armelle de sainte marie

œuvres exposées / hubert duprat

œuvres exposées / marie-ange guilleminot

vue de l’exposition

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